J’ai alors 60 ans et dès les premières semaines de la rentrée judiciaire, je sais que quelque chose ne va pas. Pour la première fois de ma vie, je n’arrive plus à gérer correctement mes différentes missions, j’oublie de faire une partie de mon travail, j’ai peur d’aller présider des audiences.
Trois mois plus tard, j’explose en vol : je me retrouve un matin incapable d’aller travailler. Je ne peux même plus sortir de chez moi, tellement l’angoisse est violente.
Le burn-out me frappe de plein fouet.
Au total, je me suis arrêté de travailler pendant une année.
C’est une expérience très douloureuse, mais je peux dire aujourd’hui que c’est une des meilleures choses qui me soient arrivées. En effet, je réalise dans tout mon être que j’ai un choix à faire et que je ne peux plus continuer à le repousser. Un choix vital, au sens premier du terme :
- Soit je continue à finasser et tourner autour du pot pour éviter de répondre à mon appel profond. Je sais que je survivrais… mais ce serait une sous-vie, loin de la vie pleine à laquelle j’aspire.
- Soit je réponds enfin complètement à cet appel. Je fais ce que mon âme est venue vivre : faire découvrir l’amour de la Source à ceux qui le cherchent. Mais cela suppose un saut intérieur, un lâcher-prise total : cesser de vouloir tout contrôler, lâcher les peurs, et faire confiance, entièrement, au divin pour me guider.
Dans la nuit noire de la dépression
Je sais que la lumière et la guérison sont toutes proches et qu’il me suffit d’oser vivre comme mon âme le demande pour trouver le bonheur.
Cette fois, c’est très clair – d’une lucidité froide, clinique : fuir mon appel c’est passer à côté du sens de ma vie. Me condamner à rester insatisfait jusqu’au bout. Au fond de mon trou, je réalise que je n’ai, en réalité, rien à perdre et tout à gagner à suivre cet appel.
La Source est venue à mon aide, encore une fois
Alors que je suis au plus bas, Elle m’envoie un guide. Elle place entre mes mains un livre lumineux : L’autobiographie d’un yogi, de Paramahansa Yogananda. Une lecture qui va tout changer.
Avec lui, j’ai trouvé à la fois :
- Une source d’inspiration dans son amour intense pour Dieu et l’énergie qu’il a mise en œuvre pour Le trouver et Le suivre.
- Des enseignements pratiques pour m’aider dans mon nouveau chemin, notamment des techniques de médiation très efficaces.
- L’aide d’une communauté mondiale pour m’accompagner sur ce chemin : la Self-Realization Fellowship, que Yogananda a créée dans les années 1920 aux USA et qui a essaimé sur tous les continents.
Délivré de l’alcool
Une des premières choses que Yogananda a faites pour moi a été de me libérer de l’alcool. Bien sûr, je ne me considérais pas comme un alcoolique, mais je ne pouvais pas imaginer ne pas boire d’alcool au moins deux ou trois fois par semaine. M’abstenir de boire pendant un mois entier, comme le font certaines personnes en janvier de chaque année, m’apparaissait totalement impossible.
J’aimais le goût de l’alcool, j’aimais son effet apaisant et euphorisant, j’aimais le partager avec des amis. Un bon moment avec eux était nécessairement accompagné d’alcool. Je trouvais étrange que certains n’aiment pas cela et je les plaignais un peu.
Pourtant, sans avoir rien demandé, je perds l’envie de boire, quelques jours seulement après avoir lu L’autobiographie d’un yogi. Je change radicalement d’attitude envers l’alcool. Mon addiction m’apparait évidente, même si j’étais loin des stades les plus élevés de la dépendance.
Je veux maintenant être libre et connaitre des temps de détente et de plaisir avec mes proches sans avoir besoin d’une aide chimique. Je n’apprécie plus ce sentiment d’entrer dans un état de conscience modifié par l’alcool. Je souhaite rester authentique, cesser d’être protégé ou stimulé de manière artificielle.
Une libération presque immédiate
J’arrête l’alcool sans effort. C’est facile et naturel. Pendant quelques semaines ou quelques mois, il m’arrive d’avoir de temps en temps envie de boire. Surtout si je vois une bouteille devant moi. Puis cela devient de plus en plus rare et, maintenant, cela ne m’attire plus. Lorsque, exceptionnellement, je décide de boire pour une occasion particulière, je m’arrête naturellement après un ou deux verres, ce qui m’était impossible auparavant.
Je le redis, je n’ai rien demandé. Je n’ai pas reçu de message particulier ni perçu le moindre signe. J’ai seulement constaté ce qui se passait, donné mon accord intérieur et décidé d’aller dans cette nouvelle direction.
Je connais ma fragilité et mon impuissance devant l’alcool. Je sais que je n’aurais jamais pu m’en libérer seul. Je n’aurais même pas pensé que c’était possible. J’ai senti l’action de cette « Puissance supérieure » dont parlent les Alcooliques Anonymes et j’ai expérimenté son efficacité.
Une nouvelle priorité : la Source
Au cours de cette année de burn-out, je fais ce choix de donner la priorité à la Source et je l’enracine dans mon quotidien. Je ne le vis pas comme un renoncement, au contraire, je sais que je choisis le vrai bonheur et la plénitude. Surtout, je choisis de faire ce qui est mon but réel et cela me donne des ailes.
Je comprends que le bonheur que je cherche se trouve dans une double direction :
- Mettre Dieu en première place dans ma vie,
- Me laisser transformer et conduire par lui.
Un chemin de bonheur
Je découvre aussi que ce chemin n’implique pas de « sacrifice ». Au contraire, il m’invite à me tourner vers le positif : c’est le fait de trouver le bonheur et la joie en Dieu qui me détache des désirs superficiels, avec leur cortège de plaisirs très éphémères et partiels.
Comme le disait Ma Anandamayi, une des grandes figures spirituelles de l’Inde du XXe siècle : « les vrais renonçants sont ceux qui se détournent du bonheur qu’ils pourraient trouver dans le divin pour chercher des substituts imparfaits et éphémères. »
La joie et l’amour me transforment bien plus sûrement que des années d’efforts et de craintes de ne pas être « suffisamment bon. »
Aujourd’hui, je vis autrement.
Je ne suis pas « arrivé ». Mais je choisis de marcher chaque jour avec la Source, dans Sa présence, dans Son amour, et de me laisser guider par Elle.
Je me sens plus libre, plus en paix, plus capable d’aimer. Et j’ai simplement envie de partager cela. Pas pour convaincre ou convertir, mais pour témoigner. Je ne cherche plus à changer les autres — je veux juste les aimer, autant que je peux.
Je veux transmettre ce que j’ai reçu, partager la source de ma joie. Peut-être que cela pourra toucher d’autres cœurs en chemin.
J’ai 62 ans. Rien n’a changé à l’extérieur… mais tout a changé dedans.
J’écris ces lignes dans une journée ordinaire, baignée de paix.
Je ne cherche plus à transformer mes conditions de vie. Je suis là, simplement, autant que possible en union avec la Source.
Longtemps, j’ai eu peur de ne pas être aimé. Je m’accrochais aux autres pour combler ce vide. Aujourd’hui, je fais confiance : la Source me donne ce dont j’ai besoin — pas toujours ce que je veux, mais ce qui est juste.
Et je cherche, modestement, à faire du bien autour de moi. Parfois, un simple élan suffit : une pensée aimante, une bénédiction silencieuse.
L’amour est la seule chose qui compte
Avec une patience infinie, la Source m’a aidé à voir mes peurs, ma tristesse, mon enfermement. Elle m’a guéri, doucement, en me faisant sentir que j’étais aimé.
Et c’est en me laissant aimer que j’ai appris, peu à peu, à aimer les autres.
Elle m’a aussi montré que, sous nos apparences abîmées, nous sommes tous Ses enfants.
Une seule Vie, un seul Amour, une même Lumière. Nous sommes tous une goutte du même océan, une étincelle de la même flamme.
La Présence, rien que la Présence
Je comprends maintenant que le chemin spirituel ne consiste pas tant à « faire » qu’à être avec Elle, à habiter Sa présence, dans la simplicité du cœur.
Je me reconnais de plus en plus dans cette parole : « Quand j’étais jeune, je voulais changer le monde et les autres. Maintenant, j’essaie de me changer moi-même. »
En relisant mon parcours, je vois que tout ce que j’ai vécu comme une fulgurance d’amour lors de cette merveilleuse expérience en 1986, s’est peu à peu déployé dans ma vie — au fil des années, des épreuves, des détours.
Cette lumière d’un instant a pris racine en moi, lentement, patiemment, jusqu’à devenir un chemin.
Remerciements
Merci à la Source.
À Son amour, toujours offert.
À Sa patience, infinie, inlassable.
Merci aussi à tous ceux et celles qui m’ont guidé, parfois sans le savoir, parfois à contretemps — mais toujours au bon moment :
- À mes guides spirituels, discrets et fidèles. Présents dans l’ombre, ils sont apparus quand j’étais perdu, m’ont soufflé la force d’avancer quand j’avais envie de tout lâcher.
- À celles — oui, surtout des femmes — qui m’ont fait connaitre Dieu avec simplicité, avec feu, avec tendresse. Soit par leurs paroles, soit par la qualité de leur amour pour les autres. Vous m’avez transmis, chacune à votre manière, un éclat de Sa lumière.
- Et même à ma hiérarchie… qui, en refusant de me permettre de mettre plus d’humain dans mon travail, m’a conduit droit vers le mur. Le burn-out m’a forcé à m’arrêter. Et dans cette immobilité imposée, j’ai enfin entendu l’appel que je fuyais depuis si longtemps.
À chacune et chacun, merci. Vous avez été — parfois à votre insu — des instruments de la Source sur mon chemin.